Là encore, comme pour le titre, le dessin retenu encapsule, comme ça, mine de rien, l’essentiel de ce qui va se tramer à l’intérieur. Mille excuses, cher lecteur, de te manipuler ainsi : promis, c’est pour ton bien !
Tout comme un titre se doit normalement d’être bref et choc, une couverture de BD – chrétienne ou pas – est censée être animée. Comme nous n’en étions plus à ça près, ce n’est évidemment pas ce qui se produit ici ! Certes, Philippe Néri fut un homme d’action, du moins un homme très actif dans sa ville de Rome. Mais il nous est vite apparu qu’une attitude de prière serait plus juste. Après tout, dans la vie d’un saint, c’est la prière qui le guide et le fait agir. Au final, vous pouvez donc admirer saint Philippe dans sa position de prière favorite : dressé de la sorte et avec son cou tendu tout droit vers le Ciel. Note pour vous-même : méfiez-vous avant d’essayer, le déséquilibre est assuré ! C’est bien beau de vouloir imiter les saints, mais attention aux chutes mal préparées !
Anecdote, au passage. Concrétiser cette couverture nous a amené à une hypothèse originale. Même si nous aimerions probablement tous tendre à ce point vers le Père, la nature humaine est ainsi faite que quiconque essayant cette position rencontrerait un gros déséquilibre vers l’arrière. C’est encore plus saisissant quand vous le faites en pleine nature et que les nuages bougent alors que vous pointez le ciel. Vertige assuré ! Maintenant que vous connaissez le secret ultime de saint Philippe Néri (risque de spoiler niveau 2), ne serait-ce pas son cœur, si lourd de l’Amour du Christ dans l’effusion de l’Esprit Saint, qui corrigeait avantageusement son barycentre vers l’avant ? Dernière remarque pour la route : vous retrouvez cette position de prière p. 22.
Derrière saint Philippe, on reconnait tous Rome. Comme ça, ceux du fond qui se contentent de retenir que Philippe Néri est né à Florence en sont pour leurs frais ! L’indice essentiel est évidemment la basilique Saint-Pierre sur la gauche. Elle est volontairement en cours de construction, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, par cette couverture, nous annonçons d’emblée notre parti pris : cette hagiographie sera dans un trait certes un peu naïf, mais assez réaliste, en tout cas très historique. Donc si nous vous présentons la basilique dans cet état, entre l’édifice que nous connaissons actuellement, construit comme à rebours en partant du chœur, et la basilique constantinienne, démolie au fur et à mesure, à l’avant, c’est que c’était comme ça lorsque saint Philippe avait cet âge et cette couleur capillaire.
Mais le fait que Saint-Pierre soit en construction n’est pas dû au hasard et c’est là où la couverture introduit le plus ce qui va se dérouler à l’intérieur. En effet, Saint Philippe Néri est un personnage très important de la Contre-Réforme. Les lecteurs les plus attentifs remarqueront que ce terme n’apparaît pourtant dans aucune bulle. Attendez avant de tirer : on vous explique. Nous avons voulu un ouvrage le plus historique possible. Or, le terme « Contre-Réforme » a été, comme bien souvent en histoire, forgé après coup. Philippe n’a donc jamais pu entendre cette terminologie, encore moins raisonner avec. Allez raconter un truc aussi compliqué que la Contre-Réforme, en BD, et en plus en vous étant (bêtement) interdit de mentionner la formule ! Double peine !
La basilique Saint-Pierre-du-Vatican est le centre de l’Eglise chrétienne romaine, le siège du Pape (le siège … du Saint-Siège !). Le fait que cette église soit en reconstruction pendant que l’Eglise cherche à se reconstruire avec des hommes comme Philippe Néri était donc évidemment une symbolique à ne surtout pas rater.
Finissons l’analyse de la couverture avec un dernier détail qui vous fera briller en société oratorienne. Nous allons parler ici de l’angle de vue choisi. Les Français ont plutôt l’habitude de contempler Rome depuis la colline du Pincio (la faute à la Villa Médicis et à la Trinité-des-Monts, secteurs français dans la capitale italienne). Là, nous nous trouvons plutôt à l’exact opposé, avec une vue du sud vers le nord-ouest. Nous nous sommes inspiré pour cet angle de vue de la célèbre gravure de Giuseppe Vasi représentant Rome depuis globalement le même point de vue. A cette époque, chaque église dans Rome avait des terres dans la campagne, en périphérie de la ville (qui était de toute façon d’une taille plus réduite qu’aujourd’hui). Ces endroits étaient appelés « Vigna ». Les vignes de la Congrégation des Pères de l’Oratoire étaient grosso modo situées de cette façon par rapport au panorama romain, sur la colline du Janicule. On sait que Philippe aimait y aller. De toute façon, il aimait prier dans la nature, comme on le lit p. 34.