Au-delà des ficelles que même Agatha Christie ne pourrait s’empêcher d’utiliser, le choix d’une enquête nous offrait – paradoxalement – une portée spirituelle. Car que cherche-t-on lors d’une enquête, mise à part la vérité ? Le lecteur – qu’il connaisse déjà ou pas Philippe Néri – suit l’enquête en se posant aussi les questions, en essayant d’y répondre, en s’interrogeant sur lui-même par rapport au saint présenté. En fait, chacun est invité à « être » Antonio Gallonio l’espace de 58 pages.
On comprend aussi pourquoi mettre Philippe Néri en personnage principal aurait été problématique quant à la modestie. Pour devenir saint soi-même, il vaut peut-être mieux ne pas « être » tel ou tel saint, mais plutôt le suivre vers le Christ. Et suivre d’autres saints encore à côté, tant qu’à faire, pour avoir encore plus de succès. D’ailleurs, c’est pour cela que nous vous avons représenté autant que possible d’autres saints gravitant autour de saint Philippe Néri. Même en dehors des pages de garde, vous croiserez par exemple Charles Borromée (p. 8), Ignace de Loyola (p. 30), Jean Leonardi (p. 38-39) ou encore François de Sales (p. 59). Saint Philippe n’a pas pu tout faire tout seul !
Dans une enquête, il y a toujours une progression (ici vers un succès, notre BD n’étant pas classée « affaire sans suite »). Le lecteur, chrétien ou pas, progresse aussi tout au long de l’enquête, en découvrant la vie du saint se dévoiler petit à petit.
Et Gallonio ! N’a-t-il pas progressé au long des pages ? Comparez le jeunot un peu foufou des débuts (p. 5, 11, 12) avec le prêtre ayant gagné en maturité vers la fin et qui perçoit qu’il côtoie des phénomènes qui le dépassent, une sainteté qu’il n’atteindra jamais (p. 48). Les saints ont par définition apporté quelque chose au monde : en le suivant de la sorte dans son hagiographie, nous espérons vous en imprégner et que cela fasse votre profit. A la fin, Gallonio va enfin témoigner : c’est ce que les auteurs ont fait dans cette BD et ce que – espérons ! – des lecteurs feront aussi, poussés par cette sorte d’ « Ite missa est ». Sortons témoigner tel Gallonio dans la dernière case !
Allez : un dernier aveu ! Sans que ce soit le film 6e Sens, procéder de la sorte avec une enquête et donc forcément avec des indices qui échappent lors d’une première lecture nous assure que vous retournerez à cette BD et que vous ne l’oublierez pas dans un coin.
Encore une fois, nous tenions ferme à l’historicité. En effet, Gallonio est bel et bien le 1er hagiographe de saint Philippe Néri. Dans la réalité, il lui aura fallu moins de 5 ans – avec les moyens de l’époque – pour sortir son ouvrage. Et s’il avait réellement commencé ses « repérages » du vivant du saint ? La chute de la BD (p. 61) voit se confondre en quelque sorte la déposition d’Antonio Gallonio au procès de canonisation de son ex-prévôt et le transport des épreuves pour l’impression de son ouvrage.